Un salaire mirobolant même sans emploi ?
Ce n’est pas un mirage, mais bien une réalité pour certains chômeurs en France.
Alors que la moyenne des allocations chômage tourne autour de 1265€ mensuels, quelques chanceux empochent jusqu’à 7000€ nets par mois, en toute légalité.
Qui sont ces privilégiés et comment font-ils ?
Plongée dans un système méconnu qui fait grincer des dents.
Le jackpot des travailleurs frontaliers
Si vous pensiez que toucher 7000€ d’allocations chômage relevait de la science-fiction, détrompez-vous. Cette situation, bien que rare, existe bel et bien en France. Elle concerne principalement une catégorie spécifique de demandeurs d’emploi : les travailleurs frontaliers.
Ces Français qui traversent chaque jour la frontière pour aller travailler, notamment en Suisse, bénéficient d’un régime particulier. Lorsqu’ils perdent leur emploi, ils sont indemnisés par la France sur la base de leurs derniers salaires. Or, les rémunérations en Suisse sont nettement plus élevées qu’en France, ce qui explique ces montants astronomiques d’allocations.
En moyenne, les anciens travailleurs frontaliers suisses perçoivent 2670€ d’allocation mensuelle, soit plus du double de la moyenne nationale. Certains atteignent même le plafond maximum prévu par le système d’assurance chômage français : 8946€ brut mensuels, équivalant à plus de 6900€ net.
Un phénomène en pleine expansion
Ce n’est pas un épiphénomène. Le nombre de travailleurs frontaliers a bondi de 26% entre 2011 et 2020, pour atteindre 445 000 personnes. La répartition est la suivante :
- Suisse : près de 50% des travailleurs frontaliers
- Luxembourg : 22%
- Allemagne : 11%
- Belgique : 10%
Cette augmentation a un impact direct sur les caisses de l’Unédic. En 2023, le surcoût lié à ce système a atteint 803 millions d’euros. Les remboursements des pays frontaliers ne couvrent qu’une infime partie de ces dépenses.
Comment fonctionne ce système d’indemnisation ?
Pour comprendre comment certains chômeurs peuvent toucher jusqu’à 7000€ par mois, il faut plonger dans les arcanes du calcul de l’Allocation de Retour à l’Emploi (ARE).
Le calcul de l’ARE : les bases
L’ARE est calculée sur la base du salaire brut, incluant les primes, mais excluant certaines indemnités comme celles de licenciement ou de fin de contrat. Voici les étapes clés :
- On prend en compte les 12 derniers mois de salaires et primes.
- On calcule le Salaire Journalier de Référence (SJR).
- Deux formules sont appliquées, la plus avantageuse étant retenue :
- 40,4% du SJR + 12€ forfaitaire
- 57% du SJR
- L’allocation ne peut être inférieure à 29,26€ par jour ni excéder 75% du SJR.
Les conditions d’éligibilité
Pour bénéficier de ces allocations, plusieurs critères doivent être remplis :
- Avoir travaillé au moins 130 jours ou 910 heures au cours des 24 derniers mois (36 mois pour les plus de 53 ans)
- Ne pas avoir quitté volontairement son emploi, sauf cas de démission légitime
- Être en recherche active d’emploi
- Ne pas avoir atteint l’âge légal de départ à la retraite à taux plein
La durée d’indemnisation
La durée pendant laquelle on peut percevoir ces allocations varie selon l’âge :
- Moins de 53 ans : maximum 2 ans
- Entre 53 et 54 ans : maximum 2 ans et demi
- 55 ans et plus : maximum 3 ans
Les limites du système
Si ce système peut sembler généreux, il comporte néanmoins des garde-fous :
La dégressivité des allocations
Depuis le 1er décembre 2021, une mesure de dégressivité a été mise en place. Les chômeurs de moins de 57 ans qui reçoivent une allocation très élevée voient leur indemnisation diminuée de 30% à partir du 7e mois si elle dépasse 4915,33€ brut par mois.
Les prélèvements sociaux
Les allocations chômage ne sont pas exemptes de prélèvements. Sont appliqués :
- La CSG (Contribution Sociale Généralisée) : 6,2%
- La CRDS (Contribution pour le Remboursement de la Dette Sociale) : 0,5%
- Une cotisation pour la retraite complémentaire : 3% du SJR
Un système en sursis ?
Face à l’explosion des coûts, le gouvernement français envisage de revoir les règles d’indemnisation chômage pour les travailleurs frontaliers. Une réforme pourrait voir le jour en 2025, avec pour objectif de réaliser 400 millions d’euros d’économies sur les dépenses annuelles d’indemnisation chômage.
Comment optimiser ses droits au chômage ?
Même si vous n’êtes pas travailleur frontalier, il existe des moyens légaux pour maximiser vos allocations chômage :
1. Bien choisir sa période de référence
Le calcul de l’ARE se base sur les 24 derniers mois (ou 36 mois pour les plus de 53 ans). Si vous avez eu une période particulièrement favorable en termes de rémunération, assurez-vous qu’elle soit prise en compte.
2. Inclure toutes les primes et bonus
N’oubliez pas que les primes et bonus font partie du calcul. Assurez-vous que tous ces éléments soient bien pris en compte dans votre dossier.
3. Vérifier les cas de démission légitime
Certaines démissions ouvrent droit aux allocations chômage : reconversion professionnelle, déménagement suite à un mariage ou un PACS, harcèlement, non-paiement des salaires, etc. Si vous êtes dans l’un de ces cas, faites valoir vos droits.
4. Cumuler ARE et activité partielle
Il est possible, sous certaines conditions, de cumuler l’ARE avec une activité à temps partiel. Cela peut permettre d’augmenter vos revenus tout en restant dans le système d’indemnisation.
L’avenir du système d’indemnisation chômage
Alors que le cas des travailleurs frontaliers fait débat, c’est tout le système d’assurance chômage qui est en question. Le gouvernement français cherche à réaliser des économies tout en maintenant un filet de sécurité pour les demandeurs d’emploi.
Des pistes sont à l’étude, comme la modulation des cotisations d’assurance chômage en fonction du recours aux contrats courts par les entreprises, un système de bonus-malus mis en place depuis septembre 2022.
L’équilibre entre solidarité et responsabilité financière reste un défi majeur. Comment maintenir un système protecteur sans creuser le déficit ? La question reste ouverte et les débats promettent d’être animés dans les mois à venir.
En attendant, si vous êtes éligible à ces allocations généreuses, profitez-en pour rebondir professionnellement. Car n’oublions pas que le but premier de l’assurance chômage reste le retour à l’emploi, même si celui-ci peut sembler moins attrayant financièrement pour certains bénéficiaires chanceux.