L’économie invisible : plongée au cœur des forces cachées qui façonnent nos vies

Imaginez un iceberg.

La partie visible, émergeant de l’eau, représente l’économie telle que nous la connaissons : salaires, PIB, entreprises, transactions financières… Mais la partie immergée, bien plus vaste, renferme un ensemble de phénomènes et de mécanismes économiques moins connus, souvent ignorés, qui pourtant ont un impact considérable sur nos vies. C’est l’économie invisible.

Nous vous proposons de plonger au cœur de ces forces cachées pour en révéler les rouages et les enjeux.

1. L’économie souterraine : de l’ombre à la lumière

Quand on parle d’économie invisible, la première idée qui vient à l’esprit est celle de l’économie souterraine, appelée « économie informelle » ou « économie noire ». Il s’agit de l’ensemble des activités économiques qui échappent au contrôle de l’État et aux statistiques officielles, souvent en raison de leur caractère illégal ou non déclaré.

  • Le travail au noir : il s’agit du travail non déclaré, effectué sans contrat et sans cotisations sociales. Il concerne tous les secteurs d’activité et toutes les catégories professionnelles, des travailleurs indépendants aux employés de grandes entreprises. Le travail au noir représente environ 15 % du PIB mondial selon l’Organisation internationale du travail (OIT).
  • Le commerce illégal : il englobe toutes les transactions commerciales illicites, telles que la vente de drogues, d’armes, de contrefaçons ou encore le trafic d’êtres humains. Il est difficile d’estimer la valeur totale de ce commerce, mais selon l’ONU, le trafic de drogues à lui seul représente environ 300 milliards de dollars par an.
  • L’évasion fiscale : elle désigne les pratiques visant à dissimuler des revenus ou des avoirs pour échapper à l’impôt. Les paradis fiscaux jouent un rôle clé dans cette économie souterraine. Selon l’ONG Tax Justice Network, les sommes cachées dans les paradis fiscaux représentent entre 21 000 et 32 000 milliards de dollars.
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2. L’économie sociale et solidaire : un modèle alternatif en plein essor

Une autre dimension de l’économie invisible, moins connue mais tout aussi importante, est l’économie sociale et solidaire (ESS). Elle regroupe des entreprises et des organisations dont l’objectif principal n’est pas le profit, mais la satisfaction des besoins sociaux, environnementaux et culturels des individus et des collectivités.

  1. Les coopératives : elles sont détenues et gérées collectivement par leurs membres, qui partagent les bénéfices et les responsabilités. Les coopératives agricoles, par exemple, permettent aux agriculteurs de mutualiser leurs ressources et leurs savoir-faire pour produire durablement et équitablement.
  2. Les associations : elles sont créées par des bénévoles pour mener des actions d’intérêt général, comme la défense de l’environnement, la lutte contre la pauvreté ou l’éducation populaire. Les associations emploient près de 13 millions de personnes en Europe, soit 6 % de la population active.
  3. Les entreprises sociales : elles conjuguent une activité économique et un objectif social, en offrant par exemple des emplois à des personnes en situation de handicap ou en proposant des produits et services éthiques et durables. Les entreprises sociales représentent environ 10 % des entreprises en Europe.
  4. Les monnaies locales : elles sont créées par des citoyens pour favoriser les échanges et les solidarités au sein d’un territoire. Il existe aujourd’hui plus de 4 000 monnaies locales dans le monde, dont une centaine en France.

3. Le bénévolat et l’entraide : la valeur du temps et des relations humaines

Enfin, l’économie invisible englobe toutes les formes de bénévolat, d’entraide et de coopération qui ne donnent pas lieu à une rémunération monétaire, mais qui contribuent pourtant à la richesse et au bien-être des individus et des sociétés.

  • Le bénévolat : il représente l’engagement volontaire et non rémunéré d’une personne dans une activité d’intérêt général. Selon l’OIT, le bénévolat représente environ 400 millions d’emplois à temps plein dans le monde, soit 5 % de la population active.
  • L’économie du partage : elle repose sur l’échange, le prêt, la location ou le don de biens et de services entre particuliers, souvent facilités par des plateformes numériques. Elle permet de réduire les coûts et les déchets, tout en renforçant les liens sociaux.
  • Le travail domestique et les soins : il s’agit de toutes les tâches effectuées au sein du foyer pour entretenir un logement, élever des enfants, prendre soin de personnes âgées ou malades… Bien que souvent invisibles et non rémunérées, ces activités sont essentielles au fonctionnement et à la cohésion de la société.
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En mettant en lumière ces différentes facettes de l’économie invisible, nous prenons conscience de l’importance et de la diversité des forces qui façonnent nos vies au quotidien. Loin d’être un simple concept abstrait ou une réalité marginale, l’économie invisible est un véritable miroir de nos valeurs, de nos aspirations et de nos défis en tant qu’individus et en tant que collectivité.

Il est donc crucial de reconnaître et de valoriser ces dimensions cachées de l’économie, pour mieux comprendre les dynamiques qui nous animent et pour construire un futur plus juste, plus solidaire et plus durable.

Pour cela, il est nécessaire de repenser nos indicateurs de richesse et de progrès, en intégrant ces aspects invisibles dans nos analyses et nos politiques. Le PIB, par exemple, ne mesure que la production de biens et services marchands, mais ignore totalement le bénévolat, les activités informelles ou les services non marchands. D’autres indicateurs, comme le développement humain, le bien-être ou la soutenabilité, permettent de tenir compte de ces dimensions et de les mettre en valeur.

De même, il est essentiel de favoriser les initiatives et les innovations qui donnent de la visibilité et du pouvoir à l’économie invisible. Les coopératives, les entreprises sociales, les monnaies locales ou les plateformes d’échange sont autant d’exemples concrets de cette volonté de créer une économie plus humaine, plus responsable et plus résiliente.

Enfin, il est important de cultiver notre propre rapport à l’économie invisible, en étant conscients de la valeur de notre temps, de nos relations, de notre solidarité et de notre créativité. Chaque geste, chaque choix, chaque engagement que nous faisons dans notre vie quotidienne a un impact sur ces forces cachées qui façonnent nos vies et notre monde. Et c’est en les reconnaissant, en les célébrant et en les nourrissant que nous pourrons bâtir ensemble une économie et une société à la hauteur de nos rêves et de nos aspirations.

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Alors, la prochaine fois que vous vous engagez dans une activité bénévole, que vous soutenez une entreprise sociale, que vous échangez des services entre voisins ou que vous prenez soin de vos proches, rappelez-vous que vous participez activement à cette économie invisible, souvent méconnue, mais pourtant si essentielle à notre vie et à notre avenir.

Comme le disait si bien l’économiste et philosophe américain Henry George : « Le véritable objet de l’économie n’est pas la richesse matérielle, mais le développement humain, le progrès intellectuel et moral, l’épanouissement de la vie dans toutes ses dimensions ». Et c’est justement dans cette économie invisible que se joue une grande partie de ce développement, de ce progrès et de cet épanouissement. À nous de l’explorer, de la comprendre et de la valoriser, pour en faire un levier puissant de transformation et d’émancipation.

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