Le Conseil d’Orientation des Retraites (COR) est un organisme français qui a pour mission d’informer et de conseiller le gouvernement et les partenaires sociaux sur l’évolution des régimes de retraite et les réformes à mettre en place.
Il est notamment chargé d’établir des projections financières à moyen et long terme pour les différents systèmes de retraite.
Ces projections sont essentielles pour anticiper les besoins de financement et adapter les politiques publiques.
Or, ces dernières années, les rapports du COR ont présenté des perspectives de moins en moins optimistes, mettant en lumière les difficultés croissantes auxquelles les régimes de retraite pourraient être confrontés dans les décennies à venir.
Cet article se propose d’analyser les principales raisons de cette évolution et d’évoquer les solutions envisagées pour garantir la pérennité de notre système de retraite.
Des projections financières qui se dégradent
La première constatation qui ressort des rapports successifs du COR est la dégradation progressive des perspectives financières pour les régimes de retraite.
Un contexte démographique défavorable : La principale cause de cette dégradation est l’évolution démographique de la France, marquée par un vieillissement de la population et une baisse de la natalité. Le nombre de retraités augmente ainsi plus rapidement que la population active, ce qui entraîne un déséquilibre entre les ressources (cotisations) et les dépenses (pensions) des régimes de retraite. Le taux de dépendance, c’est-à-dire le rapport entre le nombre de retraités et le nombre d’actifs, devrait ainsi passer de 31 % en 2020 à 41 % en 2070, selon les estimations du COR.
Des hypothèses économiques moins favorables : Outre le contexte démographique, les projections du COR sont influencées par des hypothèses économiques, dont certaines se sont dégradées au fil du temps. Ainsi, la croissance potentielle, qui mesure la capacité de l’économie à produire de la richesse, est désormais estimée à seulement 1,3 % par an, contre 1,5 % précédemment. De même, les gains de productivité, qui permettent d’augmenter la richesse produite sans augmenter le nombre d’heures travaillées, sont désormais attendus à 1 % par an, contre 1,2 % auparavant. Ces éléments pèsent sur la dynamique des cotisations et donc sur le financement des régimes de retraite.
Des réformes insuffisantes : Enfin, les projections du COR tiennent compte des réformes déjà mises en place pour tenter de rééquilibrer les régimes de retraite. Cependant, ces réformes, qu’il s’agisse de l’allongement de la durée de cotisation, de la revalorisation des pensions ou de la création du système universel de retraite, n’ont pas permis de résorber complètement les déficits prévus. D’après le COR, le système de retraite français devrait ainsi connaître un déficit permanent de l’ordre de 0,5 % à 1 % du PIB à l’horizon 2070.
Les conséquences pour les générations futures
Au-delà des chiffres, quels sont les impacts concrets de ces projections moins optimistes pour les futurs retraités ?
- Des pensions de retraite moins élevées : L’un des principaux effets de la dégradation des perspectives financières est la diminution des pensions de retraite. En effet, les ressources étant plus limitées, les pensions versées aux retraités risquent d’être moins généreuses qu’espéré. Selon les projections du COR, le taux de remplacement, c’est-à-dire le rapport entre la pension de retraite et le dernier salaire perçu, devrait ainsi passer de 75 % pour les générations nées dans les années 1950 à seulement 64 % pour celles nées dans les années 1990.
- Un allongement de la durée de cotisation : Pour tenter de compenser la baisse des pensions, les futurs retraités pourraient être contraints de travailler plus longtemps. Le COR estime ainsi que la durée de cotisation nécessaire pour obtenir une pension à taux plein pourrait passer de 42 ans actuellement à 43,5 voire 44 ans pour les générations nées après 2000.
- Des inégalités creusées : Les difficultés financières des régimes de retraite risquent de creuser les inégalités entre les retraités, selon leurs parcours professionnels et leurs revenus. Ainsi, les personnes ayant connu des carrières hachées, avec des périodes de chômage ou des emplois précaires, pourraient être particulièrement pénalisées, de même que les femmes, souvent moins bien rémunérées que les hommes et ayant des carrières moins linéaires en raison des interruptions liées à la maternité.
Les pistes de réflexion pour préserver notre système de retraite
Face à ces projections alarmantes, quelles sont les solutions envisagées pour garantir la pérennité de notre système de retraite ?
- Augmenter les cotisations : L’une des pistes explorées consiste à augmenter les cotisations des actifs afin de renflouer les caisses des régimes de retraite. Cette solution a toutefois des limites, car elle pèserait sur le pouvoir d’achat des ménages et pourrait freiner la croissance économique.
- Revoir les modalités de calcul des pensions : Une autre option serait de modifier les règles de calcul des pensions, en tenant par exemple davantage compte de l’ensemble de la carrière plutôt que des meilleures années, ou en instaurant un système de bonus-malus en fonction de l’âge de départ à la retraite. Cette réforme pourrait permettre de mieux répartir les ressources entre les retraités et de réduire les inégalités, mais elle pourrait aussi être perçue comme injuste par certaines catégories de la population, notamment les personnes ayant commencé à travailler tôt ou ayant des métiers pénibles.
- Inciter à la capitalisation individuelle : Pour soulager les régimes de retraite par répartition, certains suggèrent de développer la capitalisation individuelle, c’est-à-dire l’épargne en vue de la retraite. Les actifs seraient ainsi incités à se constituer une épargne personnelle, qui viendrait compléter leur pension de retraite. Cette solution pourrait permettre de mieux responsabiliser chacun et de diversifier les sources de revenus des retraités, mais elle pourrait creuser les inégalités entre ceux qui disposent des moyens pour épargner et ceux qui ne le peuvent pas.
- Repenser la solidarité entre les générations : Enfin, face aux défis démographiques et économiques, il pourrait être nécessaire de repenser les mécanismes de solidarité entre les générations. Cela pourrait passer par une meilleure prise en compte des besoins spécifiques des jeunes (formation, accès à l’emploi) et des seniors (emploi, santé), afin de garantir à chacun une transition sereine vers la retraite et de préserver l’équité entre les générations.
La réforme des retraites, un chantier politique majeur
Le débat autour des projections du COR et des solutions à mettre en place pour garantir la pérennité de notre système de retraite s’inscrit dans un contexte politique particulièrement sensible.
Une réforme controversée : La réforme des retraites, initiée par le gouvernement d’Emmanuel Macron, a suscité de vives oppositions et des mouvements de contestation sociale. Les principaux points d’accroche concernent notamment la création d’un système universel de retraite par points, qui serait censé unifier les différents régimes existants et garantir une meilleure équité entre les assurés, mais qui suscite des craintes quant à la baisse des pensions et la remise en cause des acquis sociaux.
Des négociations difficiles avec les partenaires sociaux : La mise en place de cette réforme nécessite de trouver un compromis entre les différentes parties prenantes, notamment les syndicats et les organisations patronales. Les négociations ont été marquées par des divergences de vues et des tensions, notamment autour de la question de l’âge de départ à la retraite, du financement des régimes et des dispositifs de solidarité.
Un enjeu électoral majeur : La question des retraites est un enjeu électoral de premier plan, qui pourrait influencer les résultats des prochaines échéances, notamment l’élection présidentielle de 2022. Les différents candidats devront donc présenter des propositions crédibles et convaincantes pour rassurer les Français sur l’avenir de leur système de retraite et gagner leur confiance.
Les projections moins optimistes du Conseil d’Orientation des Retraites soulèvent de véritables enjeux pour les générations futures et interrogent la capacité de notre pays à maintenir un système de retraite solidaire et équitable. Les réformes engagées et les débats politiques actuels montrent que la question des retraites est au cœur des préoccupations et des attentes des Français, qui attendent des réponses ambitieuses et pérennes pour garantir leur avenir et celui de leurs enfants. Les décisions prises dans les années à venir auront des conséquences durables sur la cohésion sociale et la prospérité de notre nation. Il est donc essentiel de mener une réflexion approfondie et collective sur les solutions à mettre en œuvre pour relever ce défi majeur.